Il n’est pas encore officiellement en service actif et n’a pas même de nom, mais il a suffi qu’il emprunte le détroit de Taïwan pour que le deuxième porte-avions de la marine chinoise déclenche une nouvelle polémique entre Pékin et Taïpei.
« Cela ne vise aucune cible spécifique et n’a rien à voir avec la situation actuelle », a assuré lundi le porte-parole de la marine chinoise, Cheng Dewei, au lendemain du passage du navire dans le détroit qui sépare Taïwan du continent chinois.
Mais l’île revendiquée par Pékin se tient sur ses gardes.
« Nous suivons la situation de près dans l’ensemble du détroit », a déclaré à la presse la présidente taïwanaise, Tsai Ing-wen. « Nous sommes capables de nous défendre », a-t-elle assuré.
La télévision chinoise a diffusé une courte vidéo montrant le bâtiment lors de sa navigation dans le détroit hautement stratégique. Drapeau rouge au vent, le navire porte sur son pont trois avions, les ailes repliées. Sur d’autres images, on peut voir un appareil pourvu de missiles.
Dimanche, le ministre taïwanais des Affaires étrangères a accusé Pékin « d’intimidation », à moins de deux mois de l’élection présidentielle lors de laquelle Mme Tsai, bête noire du régime communiste, est candidate à sa réélection.
Le ministre Joseph Wu a accusé la Chine de chercher à « s’ingérer dans les élections » à Taïwan. « Les électeurs ne se laisseront pas intimider! », a-t-il affirmé.
Son ministère a précisé qu’il avait envoyé des navires et des avions pour surveiller le porte-avions. Des navires américains et japonais le suivaient également, a-t-il ajouté.
Pékin revendique Taïwan, île gouvernée séparément du Continent depuis 1949, et n’exclut pas de recourir à la force pour y rétablir sa souveraineté.
Eric Hundman, politologue de l’Université de New York à Shanghai, a estimé que le passage du porte-avions était « dans la continuité des efforts constants de Pékin pour faire pression sur Taïpei ».
« La décision d’emprunter le détroit de Taïwan est sans aucun doute délibérée et vise probablement à rappeler l’accroissement des capacités navales de la Chine au bon souvenir de Taïwan et des Américains », observe-t-il.
Le premier « made in China »
Le deuxième porte-avions chinois, connu jusqu’à présent sous le nom « Type-001A », a été mis à flot en 2017. Il est à propulsion classique (et non nucléaire) et peut embarquer une quarantaine d’avions.
Le porte-parole de la marine chinoise a expliqué que le bâtiment, le premier entièrement construit par le pays, avait pénétré en mer de Chine méridionale après avoir emprunté le détroit.
Cette mission a pour objectif « des tests de recherche scientifique et des entraînements de routine », a-t-il ajouté.
Selon le quotidien nationaliste Global Times, il pourrait entrer « bientôt » en service actif et être attaché à Sanya, une base militaire du sud de l’île tropicale de Hainan.
Il mouillerait donc en mer de Chine méridionale, une zone que Pékin revendique en quasi-totalité et conteste à d’autres gouvernements de la région (Philippines, Vietnam, Malaisie, Brunei, Taïwan).
Les Etats-Unis et d’autres pays occidentaux y effectuent régulièrement des opérations de « liberté de navigation », dépêchant des bâtiments militaires à la grande colère de Pékin.
La Chine dispose jusqu’à présent d’un seul porte-avions opérationnel: le Liaoning. Construit par l’ex-URSS, il a été admis au service actif en 2012.
Un troisième porte-avions est actuellement en cours de construction, selon des médias officiels.
Avec son seul porte-avions pour l’instant opérationnel, la Chine reste encore très loin derrière les Etats-Unis (11), et au même niveau que la Russie (1), la France (1), l’Inde (1) et le Royaume-Uni (1), selon Nick Childs, spécialiste des forces navales au centre de réflexion britannique International Institute for Strategic Studies (IISS).
Source: AFP