La Chine a ordonné, vendredi 24 juillet, la fermeture d’un consulat américain en représailles à une mesure identique visant sa propre mission diplomatique à Houston, où le personnel a cédé la place à la police sur fond d’accusations d’espionnage dignes de la Guerre froide.
Les Américains vont devoir fermer leur représentation à Chengdu, métropole de 16 millions d’habitants du sud-ouest de la Chine, a annoncé le ministère chinois des Affaires étrangères, dernier avatar d’une escalade inédite entre les deux géants du Pacifique.
Cette décision constitue « une réponse légitime et nécessaire aux mesures déraisonnables des Etats-Unis », a-t-il souligné.
« Certains employés du consulat des Etats-Unis à Chengdu se sont livrés à des activités sortant de leurs attributions, ils se sont ingérés dans les affaires intérieures de la Chine et ont mis en danger la sécurité et les intérêts chinois », a accusé le porte-parole de la diplomatie chinoise, Wang Wenbin.
La Maison Blanche a appelé Pékin à « cesser » ses propres « actes néfastes plutôt que de se lancer dans des représailles ». Mais Washington s’est gardé à ce stade de brandir publiquement la menace de contre-représailles.
« Message » à Pékin
Le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo avait prétendu jeudi que le consulat de Chine à Houston était une « plaque tournante de l’espionnage et du vol de propriété intellectuelle ».
Washington a donné mardi jusqu’à ce vendredi à Pékin pour fermer sa mission dans la ville du Texas, grand pôle mondial de recherche biologique et médicale.
Vendredi, tout au long de la journée, des employés ont rempli des camions de déménagement et jeté des sacs poubelle dans une benne à ordures à proximité, sous le regard de policiers et de manifestants qui ont hué les voitures quittant le consulat.
Dans l’après-midi, des agents américains sont finalement entrés dans le bâtiment après avoir ouvert la porte à l’aide d’outils, a constaté une journaliste de l’AFP.
En fin de soirée, un porte-parole du département d’Etat a confirmé que le consulat était bien « fermé ».
Selon Washington, cette fermeture n’était pas une réponse à un dossier spécifique.
Un responsable du ministère de la Justice a renchéri en évoquant un « message » aux autres diplomates chinois pour qu’ils « arrêtent » les activités d’espionnage économique.
La tension sino-américaine, déjà alimentée par la guerre commerciale et les accusations mutuelles sur l’origine du Covid-19, est montée d’un cran ces dernières semaines avec l’imposition par Pékin d’une loi sur la sécurité nationale à Hong Kong.
Les deux pays ont pris en outre des sanctions réciproques au sujet des musulmans ouïghours du Xinjiang.
« Réponse graduée »
Accentuant la pression, Mike Pompeo a appelé jeudi « le monde libre » à « triompher » de la « nouvelle tyrannie » incarnée selon lui par la Chine communiste.
« La situation actuelle des relations sino-américaines ne correspond pas aux souhaits de la Chine et les Etats-Unis en sont entièrement responsables », a répondu la diplomatie chinoise.
Mais la réaction chinoise semble relativement mesurée: sur les réseaux sociaux, des nationalistes chinois avaient appelé le régime communiste à fermer le consulat des Etats-Unis à Hong Kong, ce qui aurait certainement alimenté l’escalade.
« Il semblerait que la Chine ait choisi une réponse graduée plutôt qu’une réaction (…) qui appellerait une riposte américaine », observe le sinologue Victor Shih, de l’Université de Californie à San Diego.
Signe de la méfiance ambiante, le gouvernement américain a annoncé vendredi l’arrestation d’une chercheuse chinoise qui s’était réfugiée au consulat de Chine à San Francisco après avoir été accusée d’avoir dissimulé ses liens avec l’armée pour obtenir son visa.
Le ministère américain de la Justice a également fait savoir qu’un ressortissant singapourien avait plaidé coupable vendredi, accusé d’avoir espionné les Etats-Unis pour le compte de la Chine dans une autre affaire.
Les tensions entre les deux superpuissances ont fait chuter les places boursières chinoises: Hong Kong a terminé en baisse de 2,19%, Shanghai de 3,9% et Shenzhen de 5%.
La mission de Chengdu couvre notamment la région autonome du Tibet. Selon son site internet, elle compte 200 employés, dont 150 de statut local.
En 2013, la Chine avait demandé des explications aux Etats-Unis après la publication dans la presse d’une carte, divulguée par le lanceur d’alerte Edward Snowden, montrant des sites d’espionnage américain dans le monde. Le consulat de Chengdu y figurait.
Source: Avec AFP