Le conflit d’usure qui semble s’installer en Ukraine ne fait ni les affaires de l’Europe ni celles des États-Unis, pour l’heure pieds et poings liés par leurs engagements vis-à-vis de Kiev. Une certaine fatigue commence à poindre de l’autre côté de l’Atlantique, où certains verraient d’un bon œil l’ouverture de négociations, comme l’explique à Sputnik Nikola Mirkovic, essayiste franco-serbe et fondateur de l’association humanitaire Ouest-Est.
« Malgré l’aide, il n’est pas certain que l’Ukraine gagne à long terme, même si elle peut avoir des victoires militaires en ce moment. Cela peut entraîner le reste de l’Europe dans une crise majeure. Les États-Unis n’auront peut-être pas les moyens de continuer cet effort et se disent peut-être que maintenant serait un bon moment de négocier »
La perspective d’une victoire russe entraînant des gains territoriaux, plus étendus qu’aujourd’hui, semble en effrayer certains. La possibilité d’une escalade nucléaire reste également dans toutes les têtes, rappelle l’essayiste.
« Au Pentagone plus qu’à la Maison-Blanche, des Américains qui se disent qu’il faut arrêter avant que cela devienne mondial, voire même nucléaire. »
Financement colossal
Mais par-delà les cartes militaires, c’est le soutien financier à Kiev qui pose question. Mi-mai, Washington avait débloqué une enveloppe de 40 milliards de dollars pour l’Ukraine, et Bruxelles s’est engagée sur 18 milliards début octobre. Des sommes colossales en pleine crise économique.
« Cela coûte très, très cher, dans une situation où l’Europe et les pays atlantistes vont très mal. L’inflation dépasse les 10% dans la plupart des pays de l’Union européenne. Les États-Unis ne sont pas loin d’une inflation à deux points […]. Beaucoup de personnes se demandent quelle est l’utilité de ces fonds puisque la guerre continue », expliquent Nikola Mirkovic.
Des voix s’élèvent donc pour appeler à revoir ces financements, ou pour les lier à l’obligation de négocier, souligne-t-il encore.
Des Républicains montent au créneau
Ces débats ont d’ailleurs agité les récentes élections de mi-mandat. Certains Républicains ont ainsi remis à la sauce ukrainienne le fameux slogan « America first ».
Kevin McCarthy, pressenti pour diriger la future Chambre des représentants, a notamment martelé que les Américains touchés par la récession ne feraient « pas un chèque en blanc à l’Ukraine ».
« On a vu plusieurs Républicains très vindicatifs sur ce sujet, dire qu’il fallait à tout prix arrêter de financer la guerre en Ukraine. J’ai même vu une candidate qui disait que les États-Unis faisaient tout pour protéger les frontières de l’Ukraine alors qu’ils ne pouvaient pas protéger leurs propres frontières », précise Nikola Mirkovic.
Alors que le contrôle du Congrès reste toujours incertain, une victoire républicaine pourrait donc freiner le vote d’aides plus importantes à l’Ukraine, conclut l’essayiste.