Le 9 novembre 1917, le quotidien américain New York Times a publié un de ses plus importants documents de l’histoire. C’était le texte du message écrit par le ministre britannique des Affaires étrangères Lord Balfour pour le Baron II Rothschild.
Le message révèle: « Le gouvernement de Sa Majesté considère favorablement la création d’un foyer national pour le peuple juif en Palestine, et déploiera ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif ».
Rothschild a eu la permission de faire passer ce message pour l’Union fédérale sioniste.
La Déclaration de Balfour a offert au mouvement sioniste le soutien de la superpuissance mondiale pour aplanir le terrain devant les vagues d’émigration en masse des Juifs, afin de paver la voie à la naissance d’Israël en 1948.
L’effet d’un tel message fatidique publié par le Times est bien connu. Contrarement au rôle joué par ce quotidien qui demeure ambigu jusqu’à maintenant.
Le Times ne s’est pas contenté de publier le soutien gouvernemental à un foyer juif, mais il a utilisé sa force, son autorité et ses pages pour encourager la Déclaration d’une part et pour bloquer le lobby antisioniste dans le pays d’autre part.
Alors que la société juive en Grande Bretagne soutenait majoritairement l’établissement de leur propre patrie, beaucoup de familles anglaises juives s’opposaient au sionisme , estimant qu’il n’y avait aucun besoin à une patrie juive indépendante. Pour eux, l’identité religieuse et l’identité nationale sont totalement séparées.
Ces antisionistes avaient des délégués dans un comité commun qui représentait l’alliance des associations anglaises juives. Ce comité avait été créé en 1871 pour lutter contre l’antisémitisme et comme Conseil représentatif des juifs.
L’un de ces opposants au sionisme influents était « Edwin Montago », le ministre d’État aux Affaires indiennes. Il était le seul juif dans le gouvernement.
Dans un mémorandum , Montago a écrit avec sagacité: » la politique de sa majesté est antisémite et elle fournira le terroir pour des sentiments antisémites partout dans le monde ».
De l’autre côté se trouvaient des sionistes, à l’image de Rotschild, du Premier ministre Loyd Georges, du lord Balfour, et du dirigeant du mouvement sioniste d’origine russe Haïm Weïzman ». Le Times aussi en faisait partie.
Dans un message privé adressé au propriétaire du journal, Lord North Cliff, le rédacteur pour les affaire étrangères Henry Steed a indiqué : « je fais tout ce que je peux pour aider les sionistes et jusqu’à maintenant le rédacteur m’offre la liberté totale ».
La lettre de Steed critiquait farouchement la position étrange du gouvernement de ne pas soutenir ouvertement l’établissement d’un foyer national pour les Juifs en Palestine. Elle indique que c’est Montgano qui s’y opposait le plus.
Le soutien au sionisme au sein du gouvernement et dans les bureaux du Times était basé sur les calculs géopolitiques de guerre .
La Grande Bretagne était coincée dans une guerre contre l’Allemagne. Et comme les juifs avaient joué un rôle crucial dans la révolution bolchévique, le soutien à un foyer juif aurait du les exhorter à poursuivre les combats sur le front oriental. En même temps, de par cette mesure, les Britanniques s’attendaient à ce que les Juifs allemands réduisent leur soutien financier à l’Allemagne, et à attirer les Juifs des Etats-Unis pour qu’ils augmentent leur contribution dans la guerre contre l’Allemagne.
Selon Steed, le soutien au sionisme devrait attirer la sympathie des Juifs à l’empire britannique pour l’aider à gagner la guerre contre l’Allemagne.
Les résistants aux sionistes ont néanmoins décidé d’agir.
Trois jours avant la conférence de l’union sioniste anglaise prévue le 20 mai 1917, ils ont envoyé un message au Times, sous le titre « la vision des juifs anglais », dans laquelle ils ont fustigé l’idée d’établir une patrie juive indépendante, dans une tentative de bloquer le plan sioniste.
Les deux co présidents du comité : David Lindo Alexander et Claude Montefiore ont écrit dans ce message : « l’établissement d’une patrie juive en Palestine se base sur la théorie du déplacement, qui aura une influence sur le monde entier en taxant les juifs d’étrangers dans leurs pays d’origine. »
Or, ce message n’a pas été publié le lendemain, mais quatre jours plus tard, et d’une façon marginale et négligeable.
Entre temps, c’est la déclaration faite durant la conférence par Weizman qui l’a été. Il y a dit que « le gouvernement de sa majesté est prêt à soutenir l’établissement d’un foyer juif en Palestine ».
Auparavant, le Times avait publié au moins trois messages échangés entre Lord Rothschild, Joseph Hertz et Weizman dans lesquels ils ont exprimé « leur honte de l’existence d’une opposition à l’espoir que les juifs ont toujours porté au cours des 2000 ans d’exode et de persécution ».
Les sionistes ont vaincu la guerre médiatique, et le président du comité commun s’est finalement résigné.
Après un siècle, le conflit sur l’établissement d’un foyer juif perdure. L’un de ses premiers combats, le plus important certes, n’a pas eu lieu au Moyen-Orient, mais dans les pages du Times.
Sources: Times (traduit en arabe par al-Mayadeen )
Traduit par la rédaction du site