Chaque fois que Donald Trump cite le méga contrat de vente d’armes à l’Arabie saoudite conclu l’an dernier pour 110 milliards de dollars (97 milliards d’euros), il ajoute : « c’est 500.000 emplois ».
Ce chiffre a été accueilli avec scepticisme étant donné que les cinq principaux groupes américains de défense, qui fabriquent presque tous les articles qu’achètera l’Arabie saoudite, emploient actuellement 383.000 personnes.
Le président entend-il par là de nouveaux emplois dans le secteur de la défense aux Etats-Unis ? Un document interne de Lockheed Martin – le groupe pourrait vendre quelque 28 milliards de dollars d’armement – table sur moins de 1.000 postes créés.
Lockheed prévoit aussi et surtout que cet accord pourrait créer près de 10.000 nouveaux emplois en Arabie saoudite, tout en maintenant occupés 18.000 salariés américains déjà en poste. Pour peu que la totalité du contrat soit exécutée, ce que les experts estiment peu probable.
Dans l’entourage d’un autre gros fabricant d’armement, Raytheon, on indique que si le contrat saoudien est tenu, il pourrait contribuer à maintenir environ 10.000 emplois aux Etats-Unis. Quant au nombre d’emplois créés, il ne représenterait qu’un faible pourcentage de ce chiffre.
Des entretiens avec des personnes au fait du projet couplés aux estimations d’autres grands entrepreneurs de la défense reflètent une dynamique similaire à celle de Lockheed et de Raytheon : des ajouts relativement mineurs à leur effectif américain et des créations de postes plus importantes en Arabie saoudite.
Les emplois sont importants pour le président américain. Il a fait campagne sur sa capacité à créer des emplois aux États-Unis, en particulier des postes bien rémunérés dans le secteur manufacturier.
C’est pour cela qu’il a mis un bémol à ses critiques de l’Arabie saoudite après le meurtre du journaliste et opposant saoudien Jamal Khashoggi au consulat saoudien le 2 octobre dernier à Istanbul. Il a à cette occasion clairement dit qu’il ne voulait pas mettre en péril le méga-accord conclu avec Riyad.
Trois à cinq fois surévalué
Le document Lockheed, qui est fondé sur les projections de main-d’÷uvre liées au contrat saoudien ainsi que sur des entretiens avec des spécialistes du secteur de la défense, suggère qu’entre 20.000 et 40.000 salariés américains de l’industrie de la défense pourraient être concernés par une production pour l’Arabie saoudite si tous les systèmes de défense antimissiles, radars, navires, chars, logiciels, bombes et autres équipements énumérés dans le contrat étaient livrés.
Depuis le voyage de Trump dans le Royaume l’année dernière, il ne s’est pas passé grand chose en dehors des travaux de Lockheed sur quatre frégates commandées par Riyad.
La commande générera près de 10.000 emplois dans les ports saoudiens pour le personnel de maintenance, mais seuls 500 nouveaux emplois seront créés aux États-Unis, selon des documents vus par Reuters.
L’Arabie saoudite s’est fixé pour objectif de créer 40. 000 emplois dans le secteur de la défense d’ici 2030.
Des dirigeants de l’industrie militaire font valoir que sans le contrat saoudien, ils auront moins de commandes à exécuter, mais comme leur chiffre d’affaires est en grande partie réalisé grâce aux commandes importantes de l’armée américaine et qu’ils disposent en outre d’un carnet de commandes record, il est peu probable que des licenciements aient lieu au cas où le contrat saoudien ne se matérialiserait pas.
En outre, le chiffre de 500.000 emplois donné par Donald Trump semble surévaluer les emplois induits chez les sous-traitants.
Selon Heidi Garrett-Peltier, de l’Institut de recherche en économie politique, pour ce type d’industrie, le « multiplicateur » maximum entre les emplois créés et les emplois induits chez les sous-traitants serait d’un peu moins de 3,2.
Selon les calculs de Reuters, 20.00 à 40.000 emplois durables ou nouveaux pourraient créer entre 64.00 et 128.000 emplois dans les industries connexes, ce qui donnerait un nombre total d’emplois maintenus et nouveaux compris entre 84.000 et 168.000.
En bref, le chiffre de 500.000 emplois brandi régulièrement par Donald Trump est au moins trois à cinq fois surévalué par rapport à ce que l’on pourrait attendre de l’accord avec l’Arabie saoudite, en se fondant sur les estimations des entreprises elles-mêmes et en utilisant le multiplicateur le plus généreux.
Source: Avec Reuters