Le vice-président du Parlement libanais et négociateur en chef sur le dossier de démarcation des frontières maritimes entre le Liban et l’entité sioniste Elias Bou Saab, a déclaré que les menaces du Hezbollah d’utiliser sa puissance militaire ont forcé « Israël » à faire des concessions et à éviter son insistance obstinée à priver le Liban de ses droits maritimes.
Dans une interview en ligne avec le chef de la Task Force américaine sur le Liban, Edward Gabriel, M.Bou Saab a indiqué que durant ses négociations avec le médiateur américain Amos Hochstein, ce dernier faisait souvent référence à la puissance militaire du Hezbollah afin de mettre en garde contre une possible escalade si les négociateurs ne parvenaient pas à un accord.
A la question posée par M.Gabriel sur l’influence des menaces militaires du Hezbollah sur l’accord, M. Bou Saab a répondu que la Résistance libanaise a fixé bel et bien le cap de l’accord jusqu’à son succès.
« C’est ce qui s’est passé »
Il a dit intégralement, selon la traduction de notre site anglophone:
« En réponse à votre question de savoir si le Hezbollah a joué un rôle ou si ses menaces ont joué un rôle dans la facilitation ou l’accélération des négociations, je vous réponds catégoriquement oui, il a joué un rôle là-dedans. Je suis honnête et je dois être honnête et c’est grâce à cela que j’ai pu arriver là où nous en sommes dans ces négociations. Quand les Israéliens ou les Américains ou n’importe qui veut nous en parler, je dis que c’est ce qui donne la stabilité à la région et la stabilité aux frontières. Ils ne parlent pas d’une organisation caritative que je possède dans mon pays et qui pourrait menacer la stabilité si le Liban n’obtient pas tous ses droits sur son énergie, son gaz et son pétrole en mer. Ils parlaient de la présence du Hezbollah, car cela a été pris en compte, ce qui a permis d’accélérer l’accord pour arriver là où nous en sommes.
Mais en même temps, les Israéliens ont eux aussi aussi le pouvoir et son absence signifiait la guerre. Personne ne voulait de guerre, cet accord a sauvé le pays d’une autre guerre. Ce qui est certain, c’est que les deux parties attendent maintenant avec impatience une frontière stable. Nous sommes donc passés de l’escalade et nous étions très proches de ce qu’a mentionné Amos (Hochstein). Je dis que ce n’est pas seulement Israël qui aurait été touché, mais Chypre, l’Égypte et toute la Méditerranée aussi. De qui parlait-il ? De quels missiles parlait-il ?
C’est pourquoi je dois être honnête avec vous et vous dire que oui, cela a eu un impact sur ce que nous avons fait, mais en même temps, nous en avons profité pour dire à tout le monde que ce dont nous avons besoin n’est pas la guerre, nous avons besoin d’une région stable car Le Liban veut prospérer, et nous voulons que notre économie prenne une tournure différente. Cela coïncide à une époque où tout le monde en avait besoin. Les Européens l’ont voulu, avec les Israéliens, et les Américains ont joué ce rôle, surtout après le déclenchement d’une guerre entre la Russie et l’Ukraine. Il y avait donc une opportunité et nous l’avons saisie. C’est ce qui s’est passé. »
12 années de négociations
Entamées à partir de 2009, les négociations sur la démarcation des frontières maritimes sud ont traîné pendant plus de 12 années, l’entité sioniste s’obstinant à les axer autour de la ligne 1.
Démarquée par l’ex-Premier ministre libanais Fouad Siniora dans un accord avec Chypres, sans être ratifiée par le Parlement libanais, cette ligne confisque à la zone économique libanaise quelque 860 km2, par rapport à la ligne 23, ultérieurement fixée par le gouvernement et le parlement libanais. Les Etats-Unis sont par la suite intervenus via leur émissaire Hoff qui a procédé à un partage de cette superficie à l’avantage d’Israël. Mais les Libanais l’ont rejeté et ont établi une nouvelle ligne, la 29 accordant quelque 1400 km2 supplémentaires à celle de la 23.
Un pilonnage de menaces
C’est bien après l’éclatement de la crise économique fin 2019 au Liban que le Hezbollah est intervenu à son tour dans ce dossier. Surtout avec l’arrivée de la plateforme Energean destinée à extraire le gaz du gisement Karish situé sur la 29, au début du mois de juin dernier. Son secrétaire général sayed Hassan Nasrallah avait commencé le mois précédent, le 9 mai, à mettre en garde que le Liban peut empêcher l’entité sioniste d’exploiter le gaz s’il l’empêche de faire de même avec le sien. (9 mai)
Clamant que les ressources gazières offshore sont « la planche de salut du Liban » pour le sortir de sa crise, il a accéléré le rythme de ses discours, dans un pilonnage de menaces. Le 20 mai, il a déclaré que « le Liban n’a pas le luxe du temps » et qu’il « faut entamer l’exploration de ses hydrocarbures ». Le 9 juin, après l’arrivée d’Energean, il a sommé: «’Israël’ doit cesser d’extraire du gaz de Karish », avertissant que « toutes les options sont ouvertes ».
Avant de prononcer son discours retentissant, le 13 juillet, dans lequel il a brandi la menace d’une guerre si les opérations d’extraction israéliennes commencent avant la démarcation des frontières maritimes avec le Liban, clamant sa phrase mémorable « la guerre est plus honorable que de mourir de faim », trois drones de reconnaissance de la Résistance avaient été envoyés au-dessus de Karish.
Le 25 juillet, sa menace a été plus explicite: » Si le gaz est extrait de Karish, sans accord avec le Liban, nous allons vers la confrontation ». 6 jours plus tard, le 31 juillet, la Résistance islamique rendait publique une vidéo sur les photos et les coordonnées de toutes les autres platesformes israéliennes opérant en Méditerranée, avertissant qu’elles sont aussi dans son collimateur. La menace allait au delà de Karish!
Accélération des négociations
Au fils de ses dix discours prononcés par la suite, les négociations ont connu une accélération sans précédent, d’autant que l’extraction du champ Karish était prévue pour le mois de septembre. Elle a été reportée jusqu’à la mi-octobre et puis jusqu’à la signature de l’accord d’entente.
Finalement, Hochstein qui a multiplié ses va et viens a présenté la version finale de la proposition d’accord américaine. Elle a été approuvée par le président Michel Aoun le jeudi 13 octobre puis le lendemain par le gouvernement israélien de Yaïr Lapid.
Selon M. Bou Saab, Amos Hochstein sera à Beyrouth la semaine prochaine avec une copie de l’accord maritime à signer par les responsables libanais, a rapporté l’agence Reuters ce mercredi 19 octobre. Mais Bou Saab n’a pas précisé quand l’accord serait signé.
Hochstein non plus n’a pas fixé la date exacte de sa visite et a appelé à attendre les jours à venir, selon le quotidien libanais Al-Akhbar.
Pourquoi « Israël » a perdu
Dans les médias israéliens, certains observateurs faisaient prévaloir qu’Israël est le grand perdant de ces tractations. Pourtant, l’accord lui concède l’exploitation du champ Karish, après que le Liban lui a concédé la ligne 29 et s’est contenté de négocier l’accord sur la 23. Sachant aussi que les Israéliens toucheront également une part des rentrées du gisement gazier Qana (Cana) qui déborde de cette ligne de la part de la compagnie exploratrice et non pas de la part du Liban. En l’occurrence la TotalEnergies.
Mais là où le bât blesse les Israéliens, expliquant leur déception, c’est que leur stratégie qui semblait s’être fixé comme objectif d’empêcher le Liban d’exploiter son hydrocarbure offshore a bel et bien échoué. Ils auraient souhaité en échange une normalisation de ses liens, comme avec les autres pays arabes. Or, même l’accord qui sera conclu devra être formulée de sorte qu’aucune normalisation n’en filtre, a insisté le chef de l’Etat.
Les récentes déclarations de M. Bou Saab devraient attiser le sentiment des Israéliens d’être les perdants dans cette transaction, leurs objectifs ayant de nouveau été avortés. Et c’est une nouvelle fois le Hezbollah qui l’a fait.
Leur exaspération est d’autant plus justifiée que c’est son quatrième grand exploit : après celui de forcer les Israéliens à se retirer du Liban en l’an 2000, puis celui de faire échouer leur objectif de l’éradiquer pendant la guerre 2006 . Sans compter son rôle dans la guerre menée contre la Syrie, faisant avorter les tentatives de sortir ce pays de l’axe de la résistance, tentatives auxquelles ont participé tous les alliés d’Israël, internationaux et régionaux!
Une nouvelle équation est bel et bien établie: Une fois n’est pas coutume. Mais quatre fois le sont ! Les observateurs israéliens qui croient qu’Israël a perdu ont bien raison!
Source: Divers