Le journal russe Nizawisimaja Gazeta évoque dans un récent éditorial les inquiétudes ressenties à Moscou après la mise en avant du plan américano-turc destiné à créer des « zones sécurisées » en Syrie.
Le journal écrit :
« Plus d’un mois d’efforts conjoints Iran/Russie/Turquie pour organiser des pourparlers syro-syriens à Astana qui devront débuter demain jeudi 16 février, semble ne pas porter les fruits escomptés.
Les délégations de Damas et de l’opposition qui ont signé la trêve se sont réduites sur fond de violations fréquentes et quasi quotidiennes du cessez-le-feu par les groupes armés anti-Assad.
Justement le 20 février, ces mêmes groupes vont tenter de former un front uni à Genève sous les auspices de Washington, de Riyad, d’Ankara et de l’ONU. Moscou y sera aussi, et très activement comme l’a confirmé son ministère des AE. Mais Genève ce n’est pas Astana : les opposants d’Assad et leurs soutiens essaieront d’imposer leurs exigences à Moscou et à Damas, comme au bon vieux temps. Bref, il y aura au menu le départ d’Assad, la formation des zones sécurisées et tutti quanti…. »
Et le journal d’ajouter : « mais le dernier mot, c’est le représentant de Trump qui le prononcera puisque le président américain a annoncé vouloir faire passer la lutte contre le terrorisme avant toutes ses autres priorités. Mais l’administration Trump considère-t-elle les groupes présents à Genève comme étant terroristes ? Loin de là ! Il se peut que tout ce monde réuni à Genève n’ait pour mission que de mettre sous pression Moscou et Damas en vue d’obtenir ce qu’Obama n’a pu obtenir à savoir la chute d’Assad. Moscou a tout intérêt à ne pas sous-estimer à Genève le risque qu’on le fasse chanter en échange du respect de la trêve ou qu’on le menace d’ouvrir un second front de combat, celui qui mettra face à face “les rebelles modérés” et l’armée syrienne. »
Dans le même temps, les opérations militaires se poursuivent au centre et à l’Ouest syrien comme si la trêve n’avait jamais existé. En 24 heures, les sources fiables rapportent 12 cas de violation du cessez-le-feu à Lattaquié, à Hama, à Homs, à Darayya et à Alep. Les observateurs turcs accusent l’armée syrienne de violation, ce que les observateurs russes ne confirment pas.
Le journal revient ensuite sur le « rôle trouble » de la Turquie pour écrire que les évolutions de ces dernières semaines en témoignent.
La Turquie tend de plus en plus à ne faire qu’à sa tête. Depuis qu’il a eu au téléphone Donald Trump, Erdogan a radicalement changé de posture pour redevenir un partisan acharné des « zones sécurisées en Syrie ».
Selon les derniers propos du président turc, ces zones pourront même être formées dans le nord de la Syrie, là où l’armée turque est présente. Mais Erdogan en veut plus : il souhaite établir dans le nord de la Syrie, une zone d’exclusion aérienne, ce qui revient à dire qu’il veut contrôler le ciel syrien. En plus, l’idée de créer des zones soi-disant propres « aux réfugiés » l’obstine, ce qui signifie au clair la création de « nouvelles villes dans le Nord syrien ».
Erdogan est si obstiné qu’il se dit même prêt à financer la construction des infrastructures nécessaires à une idée aussi folle. Or si on en croit des sources diplomatiques et militaires russes, la Russie s’y oppose radicalement. Moscou ne tolérerait surtout pas qu’une zone no-fly soit restaurée en Syrie.
Le seule ennui : Poutine ne peut pas juste influer Trump et ses points de vue sur la Syrie. Ce qu’il peut faire par contre c’est soutenir activement Assad et l’État syrien et l’aider pour que ce dernier devance les Américains dans la libération de Raqqa.
Ceci veut dire dans les faits que la Russie serait amenée à renforcer à nouveau sa présence militaire en Syrie. On ne s’est pas désespéré totalement de la diplomatie et de ses chances pour mettre un terme à la guerre. Mais si les pourparlers syro-syriens échouent, ce qui n’est pas totalement à écarter, ce seront, une fois de plus, les armes qui parleront. Et la Russie a bien montré sa force et sa détermination en la matière.
Source: PressTV